Le gouvernement du Québec s'est engagé à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 37,5 % par rapport au niveau de 1990 d'ici 2030. De plus, le gouvernement vise une réduction de 40 % de la consommation de produits pétroliers d'ici 2030 et la carboneutralité en 2050.

C'est, on en convient, un objectif ambitieux. Ce qui l'est encore sans doute plus, c'est que cet objectif doit être atteint alors que le Québec a déjà une bonne base, la production hydroélectrique, ce qui a pour conséquence que la décarbonation de l'économie passera essentiellement par la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, lesquelles proviennent à près de 70 % du pétrole, du gaz naturel et du charbon.

Le gouvernement entend agir sur l'offre et la demande et dans cette perspective, la législature a modifié en septembre 2021 la Loi sur la Régie de l'énergie  pour y ajouter la notion de « gaz naturel renouvelable », qui est définie ainsi : « méthane de source renouvelable ayant les propriétés d'interchangeabilité lui permettant d'être livré par un réseau de distribution de gaz naturel ».

Le gouvernement annonce vouloir augmenter la production de bioénergies de 50 % d'ici 2030 et dans cette perspective, le gouvernement adoptera comme cible réglementaire une proportion de 10 % de gaz naturel renouvelable qui devra être injectée dans le réseau de gaz naturel. Le cadre actuel prévoit 5% d'ici 2025.

Dans le même sens, le gouvernement a adopté en décembre 2021 le Décret concernant le règlement sur l'intégration de contenu à faible intensité carbone dans l'essence et dans le carburant diesel,  lequel a pour but d'accroître l'usage des carburants à faible intensité carbone destinés au transport afin d'atteindre une proportion de 15 % dans l'essence est de 10 % dans le carburant diesel en 2030.

La place de l'hydrogène vert

L'hydrogène vert est l'expression que l'on emploie pour parler de l'hydrogène produit à partir d'électricité de source renouvelable ou de biomasse. On emploie cette expression par opposition à l'hydrogène gris qui est produit à partir d'énergies fossiles. Tant au Québec qu'ailleurs dans le monde, la production d'hydrogène vert est marginale, autour de 2 %.

C'est donc dire qu'il faut, pour reprendre les mots de la stratégie, « un investissement important et soutenu pour que s'impose l'hydrogène vert ».

En 2020, le gouvernement a rendu publique une Étude sur le potentiel technico-économique développement de la filière de l'hydrogène au Québec et son potentiel pour la transition énergétique, laquelle concluait par des suggestions d'interventions gouvernementales, notamment celles-ci :

  • l'instauration d'un cadre politique, légal et réglementaire qui est cohérent et incitatif pour aider à réduire les risques inhérents aux investissements privés; inhérents aux investissements privés;
  • la mise en place d'incitatifs financiers, subventions, réductions de taxes, réglementations et facilitation de projets de démonstration pour favoriser les investissements.

Nous verrons plus loin ce qu'entend faire le gouvernement à cet égard. Mais voyons d'abord comment est décrite la place des bioénergies dans la tradition énergétique.

La place des bioénergies

La Stratégie, rendue publique le 25 mai 2022, note que les bioénergies représenteraient en 2019 environ 8 % de l'approvisionnement en énergie primaire du Québec, lequel se décline en trois familles : (a) forestière (b) agricole et (c) municipal, commercial et industriel.

Dans le Plan stratégique 2022-2026 d'Hydro-Québec, la Société d'État annonce vouloir accélérer le déploiement d'outils de gestion de la demande et à cette fin elle prévoit déployer une nouvelle offre tarifaire bioénergie destinée à la clientèle d'affaires.

Comment augmenter le rôle de l'hydrogène vert et des bioénergies

Le gouvernement envisage manifestement qu'il devra contribuer financièrement aux projets de développement de l'hydrogène vert et des bioénergies et il annonce en quelque sorte aux promoteurs quels critères il utilisera pour approuver les projets :

  • la pertinence du projet par rapport à l'électrification directe, soutenue par une vision sans regret afin de prioriser les utilisations dans une approche avisée;
  • la contribution en matière de transition énergétique et de réduction des émissions de GES sur le territoire québécois pouvant découler de ces projets ainsi que le délai dans lequel ces effets se concrétiseront;
  • le niveau des investissements requis et les retombées économiques prévues, particulièrement en région;
  • l'effet structurant du projet sur la chaîne de valeur, par exemple : la stimulation de la demande dans des créneaux actuels ou nouveaux, le développement de l'expertise québécoise et de l'innovation, la consolidation d'une base manufacturière locale ou encore la création d'une complémentarité technologique;
  • la faisabilité technique (maturité des technologies et infrastructures nécessaires), le volume de marché, le potentiel à long terme de l'utilisation et la durée pour laquelle le soutien financier de l'État serait requis.

Revenons sur la question du gaz naturel renouvelable. Le gouvernement déclare qu'il veillera à encadrer de façon ordonnée l'injection de gaz de source renouvelable, donc l'hydrogène vert, dans le réseau gazier.

Voici ce que l'on peut lire dans le Plan stratégique 2022-2026 d'Hydro-Québec concernant la contribution de la société d'État au développement du marché de l'hydrogène vert :

Le Québec misera sur l'hydrogène vert pour électrifier indirectement des usages pour lesquels l'électrification directe n'est pas possible techniquement ou économiquement, notamment certains types de transports lourds ainsi que des procédés chimiques et industriels.

Notre rôle consistera à soutenir le développement du marché de l'hydrogène vert de manière à jeter les bases de l'essor à long terme de cette filière. Notre appui prendra diverses formes, dont les suivantes :

  • collaboration à la mise en Suvre de la stratégie sur l'hydrogène vert et les bioénergies du gouvernement du Québec;
  • évaluation du caractère stratégique des projets d'hydrogène vert mis de l'avant et des conditions nécessaires à leur réussite, notamment pour minimiser l'impact du raccordement des installations à notre réseau. 

Et sur le volet de l'offre, le gouvernement annonce qu'un soutien financier sera apporté à différentes initiatives à fort potentiel qui pourraient rapidement atteindre le niveau de maturité commerciale requis dans la production de gaz de source renouvelable par méthanisation.

Quant aux bioénergies proprement dites, le gouvernement annonce vouloir créer un marché dynamique et prévisible et à cette fin il déclare ce qui suit, page 36, « À cet effet, il bonifiera son offre de programmes et adaptera différents mécanismes de nature économique et réglementaire afin de favoriser la demande sur son territoire. Cette demande locale sera notamment soutenue par des actions d'exemplarité de l'État en matière de consommation d'énergies renouvelables, dont font partie les bioénergies ».

À court terme, cela va se traduire par une préférence apportée aux projets de production de bioénergies qui vont permettre de valoriser dès maintenant les biomasses résiduelles disponibles grâce aux technologies matures comme le chauffage à la biomasse forestière résiduelle, le captage de biogaz, la production de certains biocarburants et la méthanisation des matières organiques.

La première feuille de route sur l'hydrogène vert et les bioénergies

Cette « feuille de route » décrit les initiatives qui seront mises en place au cours des cinq prochaines années. Elle s'articule en trois axes, le premier portant sur l'environnement d'affaires et les deux autres sur les « connaissances et innovations » et les collaborations, l'information et la promotion. Pour nos fins, il suffit de dire quelques mots sur les objectifs décrits dans l'axe un.

Le premier objectif est de développer les infrastructures de production et de distribution et parmi les mesures proposées, les mesures dites phares, soulignons que le gouvernement dit vouloir offrir des crédits d'impôt pour la production de biocarburant et d'huile pyrolytique.

Parmi les initiatives en cours, le gouvernement donne comme exemples les programmes d'aide financière visant la production de biogaz et de gaz naturel renouvelable et la refonte des crédits d'impôt mentionné précédemment.

Comme second objectif, le gouvernement annonce ce qui suit, dans la catégorie dite des mesures phares (page 45) :

  • Adapter le cadre réglementaire afin d'exiger des contenus renouvelables minimaux (ou un indice d'intensité carbone maximal) dans les carburants et les combustibles fossiles
  • Apporter les modifications réglementaires et administratives permettant le déploiement sécuritaire et durable de l'hydrogène vert et des bioénergies ainsi que l'harmonisation des normes
  • Poursuivre et accentuer le déploiement de technologies permettant de consommer l'hydrogène vert et les bioénergies
  • Couvrir transitoirement les frais d'exploitation pour la conversion à l'électricité renouvelable, à l'hydrogène vert ou aux bioénergies

En sus des règlements mentionnés précédemment, le Règlement sur l'intégration de contenu à faible intensité carbone dans l'essence et dans le carburant diesel  et le Règlement sur le volume minimal de gaz naturel renouvelable,  le gouvernement déclare avoir l'intention d'augmenter les seuils de gaz de sources renouvelables à injecter dans le réseau gazier.

Le gouvernement ajoute trois exemples d'initiatives qu'il convient de souligner :

  • Évaluer la possibilité d'étendre la réglementation visant à favoriser le contenu renouvelable minimal (ou un indice d'intensité carbone maximal) à toutes les énergies fossiles
  • Programmes d'aide financière pour l'achat d'équipements permettant le recours aux bioénergies et à l'hydrogène vert dans les secteurs industriel, commercial, institutionnel et dans celui du transport
  • Initiative visant à réduire l'écart de prix entre les énergies fossiles ou l'hydrogène d'origine fossile et leurs solutions de rechange renouvelables

Le Fonds CRNE

Notons que le gouvernement a déjà mis sur pied un fond Capital ressources naturelles et énergie, géré par Investissement Québec et dotée d'une capitalisation d'un milliard de dollars ayant pour but de soutenir les projets qui présentent des perspectives de rentabilité en plus d'un potentiel de retombées économiques notables. Les entreprises admissibles doivent exercer au moins une des activités suivantes (page 47) :

  • L'exploitation ou la transformation, au Québec, de ressources naturelles, pourvu, en ce qui concerne la transformation, qu'une portion de ces ressources ait d'abord été exploitée au Québec;
  • la production, le stockage, le transport et la distribution de combustibles qui, en tant que substituts à d'autres combustibles, y compris fossiles, permettent la réduction de l'intensité en carbone;
  • la production, le stockage, le transport et la distribution d'énergies renouvelables ou de matières de substitution aux combustibles fossiles pourvu, en ce dernier cas, que ces matières permettent la réduction des émissions de GES ou contribuent à l'offre en énergie propre ou en hydrogène au Québec;
  • le développement, la commercialisation ou l'implantation de technologies favorisant la transition, l'innovation ou l'efficacité énergétique, réduisant les émissions fugitives ou permettant les activités visées au paragraphe précédent;
  • la transformation des produits forestiers réalisée à l'intérieur d'installations situées au Québec.

Le Programme de soutien à la production de gaz renouvelable

Ce programme, mis en place par le ministère des Ressources naturelles, a pour objet l'attribution d'aide financière en appui aux projets de production de gaz naturel renouvelable et d'injection dans le réseau de distribution de gaz naturel afin d'atteindre les cibles fixées dans le Règlement concernant la quantité de gaz naturels renouvelables devant être livrés par un distributeur de gaz naturel.

Le gouvernement a annoncé son intention d'augmenter l'enveloppe affectée à ce programme à 200 millions de dollars d'ici 2026.

Il y a d'autres provinces du Canada qui ont publié des stratégies sur l'hydrogène et le Québec vient donc ajouter sa contribution. Il faudra donc voir comment ces stratégies se traduiront en projets; il y a lieu de croire que cela ne sera pas dénué d'embûches.

Cliquer  ici pour prendre connaissance du bulletin « La promotion de l'hydrogène au Canada, un tour d'horizon » que nous avons écrit il y a un mois concernant les stratégies sur l'hydrogène du gouvernement fédéral et des provinces de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et de l'Ontario.

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